samedi 28 avril 2012

Premier tour


Tout le monde l'a trouvé étrange. Et c'est vrai qu'il était étrange. Pas tant pour son look, son caractère et son positionnement que par les commentaires qu'il ne cessait de faire sur son propre discours, du méta-discours, en somme.

D'autres hommes politiques commentent, aussi, ce qu'ils font et sont souvent invités, par les journalistes, à commenter ce qu'ils ont dit; mais aucun ne le fait sur ce mode-là. Il n'y a que Poutou qui soit dans un auto-dénigrement permanent. "Je sais que ma campagne ne vaut pas un clou". "Je sais que mes idées ne sont partagées par personne et qu'elles font peur à beaucoup et moi-même, d'ailleurs, j'ai quelquefois du mal avec ce que je dis." Et vous pouvez multiplier à l'envi. Alors quoi? Pourquoi voter pour quelqu'un qui ne croit même à ce qu'il énonce? Bien sûr, je suis dans la caricature mais je suis sûr que beaucoup se sont posé cette question.

L'honnêteté, voilà ce que c'est. Un excès d'honnêteté. Et aussi des scrupules à vendre du rêve, à peu de frais. Ce qu'il défendait, il savait que ça n'avait pas de grandes chances d'être appliqué, dans l'immédiat, et il était assez réaliste pour savoir que sa candidature n'avait que peu de chances de recueillir assez de suffrages pour lui ouvrir la voie de l'Elysée... Mais il n'avait pas le droit de le dire. 

Un complexe d'infériorité. Et un gros. Comme un gosse qui met ses mains en opposition au moindre mouvement. Il devançait toutes les critiques. Il devançait même celle qui n'existaient pas. Il ne se sentait pas légitime et on manquait pas de le lui rappeler qu'il n'était pas à sa place. Trop pauvre, trop inculte, trop ouvrier. Manque de confiance et d'expérience. 

Au delà de ses propres commentaires, il y avait aussi ce sourire permanent. On aurait pu le croire narquois mais il n'était dirigé contre personne. Contre lui-même. Ce n'était pas un sourire formaté, construit et de circonstance mais sourire de gêne, incontrôlé, un sourire de timide et de vaincu. 

On avait l'impression que les copains avaient envie de lui faire une farce et l'avaient envoyé là pour se marrer un coup. D'ailleurs il en parlait beaucoup de ses potes pendant les interviews. Une bande de potes qui avaient envie de se marrer. Le message semblait être si vous aussi vous avez envie de vous marrer un coup, votez pour moi. Le premier tour n'est-il pas fait pour ça? 

D'ailleurs je suis sûr que beaucoup ont regretté que le représentant du vol yogi ou que la pute du parti du plaisir ne soient pas représentés. Ils se sont à peine consolés avec Cheminade car il a un look et un discours d'énarque. Et même si tout le monde a découvert que c'était une façade et que cette allure de premier de la classe cachait, en fait, un gros déconneur, on est resté sur notre faim. 

Au premier tour beaucoup votent pour de faux, en quelque sorte. Vote de témoignage, de protestation, de refus du vote... Un vote adolescent et potache avant de rentrer dans le rang. Le T-shirt du Ché avant le costard cravate et l'attaché-case. Mais chacun garde un oeil inquiet sur le score des favoris, on veut bien déconner mais on ne veut pas oblitérer l'avenir. 

D'ailleurs les candidats eux-mêmes semblent connaître les règles du jeu. On fait quelques voix mais pas au point de mettre à mal le deuxième tour. Et malheur à celui par qui la défaite de son camp arriverait. Mélenchon a eu chaud. Imaginez, il est au deuxième tour. C'est mort. Il ne passe pas et Sarkozy est réélu triomphalement. Pire, imaginez qu'il prenne des voix à Hollande et que Le Pen soit au deuxième tour... Sarkozy passe et chacun de crier à la dispersion des voix à gauche au lieu de battre leur coulpe. 

Du coup, là, le scénario est parfait. Chacun a joué sa partition et l'ordre cosmique n'a, encore une fois, pas été  troublé. 

On parle beaucoup de ce phénomène à gauche mais je suis aussi certain que beaucoup votent Le Pen sans espérer la voir gagner et gouverner. Combien sont-ils ceux qui sont réellement convaincus que ce serait un bénéfice pour la France de la voir accéder au pouvoir? Ce qui est sûr en tout cas c'est qu'elle n'est pas comme son père qui faisait du Poutou avant la lettre et qu'elle a envie d'accéder au pouvoir et c'est en cela qu'elle est dangereuse pour la droite classique. Qu'ils fassent gaffe les gros déconneurs qui votent Le Pen sans y prendre garde, juste comme ça, pour essayer ou pour faire chier, juste un peu, sans que ça ait réellement de conséquences. Voter peut nuire à la démocratie, des fois. 

jeudi 26 avril 2012

Gotham... must be destroyed!

Si pour vous aussi parcourir la presse tous les matins ne relève plus désormais de l'exercice intellectuel mais du plaisir sado-masochiste, si vous savez que ça ne va pas vous faire du bien mais vous ne pouvez pas éviter de frémir à l'avance en imaginant une nouvelle déclaration tonitruante de Sarko, une énième avancée de l'extrême droite dans un pays européen, un nouveau recul des droits démocratiques pour la lutte contre le terrorisme et pour l'ordre public, la social-démocratie européenne qui continue à creuser et à creuser sa propre tombe, Merkel sacrifiant l'Europe sur l'autel de l'orthodoxie budgétaire, un suicide en Grèce, une manifestation qui dégénère au Portugal, une bombe atomique sur Téhéran ou sur Tel Aviv... bref, si vous en êtes au point de vous demander si le monde peut être sauvé, ou même s'il mérite d'être sauvé, rassurez-vous, c'est arrivé aux meilleurs d'entre nous.

Sauf à s'appeler Son Goku l'imperturbable, on n'est pas un vrai héros si on ne nourrit quelques doutes sur son boulot, surtout lorsqu'au tour de soi, les humains continuent à s'entretuer allègrement et que c'est pas deux ou trois vies sauvées qui vont faire la différence au bout du compte. Cette figure imposée du genre épique qu'on appellera pour faire simple le dilemme du "suis-je un ignoble complice d'un système corrompu si avec mes super pouvoirs je lui permets de perdurer en l'état ?"  peut être diversement résolue, ce qui nous permet de dégager une typologie non exhaustive de héros. On trouvera ainsi:


Le Pirate 

Le monde est horrible. Les humains sont devenus "des porcs corrompus, paresseux et lâches" (je cite textuellement). Seule solution, vivre au ban de la société et de ses lois liberticides, en explorant les confins des océans, du Far west ou de l'Univers. Et accessoirement, comme malgré nous et parce qu'au fond on est un incurable romantique, on sauvera l'humanité une ou deux fois. Mais chuut, personne ne doit le savoir. C'est en tout cas la stratégie éthique choisie par Albator :

(cliquez pour lire)

L'optimiste naïf

Le monde est horrible. Les humains ne cessent pas de se tuer entre eux. Mes meilleurs amis meurent. Le mec dont je suis secrètement amoureux tombe du côté obscur et commence à son tour à massacrer allègrement des gens. Un nihiliste parvient à me démontrer par A+ B que ce cycle éternel de la haine ne cessera jamais. Je n'ai aucun argument rationnel à lui opposer, mais voilà, je suis un éternel optimiste et je continue à me battre. Je suis Naruto et cet aveu de faiblesse face à Pain est un de mes moments les plus émouvants :


(cliquez pour lire)

Le martyr

Le monde est horrible. Je suis mutant et tout le monde me déteste et rêve de me voir déporté dans des camps d'extermination. Je deviens donc membre des X-men, histoire de me retrouver entre semblables, et d'aider à sauver ce monde qui veut ma mort. Allégorie de l'antisémitisme, du racisme, ou de l'homophobie, comme on le dit souvent ? Je préfère y voir une relecture des martyrs chrétiens, très américaine, avec des héros qui souffrent et meurent (ah, Jean Grey!) pour le salut d'une humanité pécheresse.







Batman

Le monde est horrible. Gotham est devenue la nouvelle Babylone, que dis-je, la nouvelle Sodome :  

"Gotham's time has come. Like Constantinople or Rome before it the city has become a breeding ground for suffering and injustice. It is beyond saving and must be allowed to die. This is the most important function of the League of Shadows. It is one we've performed for centuries. Gotham... must be destroyed."

Mais, oh Dieu, s'il existe parmi eux un seul innocent, mérite t-il de crever avec les autres ? Je suis Batman, et au contraire de Lot, je ne vais pas m'enfuir de ma ville : 



(cliquez pour voir la vidéo)


Bref, le monde est horrible et mérite de crever, et si vous trouvez d'autres partisans de l'acharnement thérapeutique à rajouter, la liste est ouverte...

mercredi 25 avril 2012

Deuxième four.

Bon, ne tortillons pas du cul.

Il va falloir voter Flanby (pas de m avant le b, j'ai vérifié à Carrouf)

Et plutôt deux fois qu'une.

Ca vous fait chier ? Moi aussi.
Mais franchement, c'est lui ou l'autre. Et l'autre il est salement "autre" là.

A l'heure qu'il est, mercredi 25 avril, 14h et quelques, plutôt 15h si je ne décompte pas le temps que j'ai passé à vanter les mérites de la page facebook du blog, il semblerait que sa Majesté Nabote tente le tout pour le tout et récure les fonds de marmite afin d'attirer à lui le peuple souffrant ayant voté Front National.

La virulence déployée par lui et ses lieutenants depuis deux jours effraye un peu. Peut être n'ai-je pas fait, à l'instar des Espagnols et autres Italiens, les mises à jour nécessaires des logiciels de lecture de la "droite radicale et nationaliste" mais il faudra les faire rapidement car ce n'est qu'un début. C'est la fin du basculement historique du grand parti de droite vers l'extrême droite. L'achèvement du processus est proche. Il se fera dans les années, voire les mois à venir quand le FN, qui aura fait une nouvelle toilette (certains parlent d'un changement de nom) avalera la droite populaire et les débris pas trop moraux ni regardants de feu l'UMP.

Pari ultime de celui qui fit du girouettisme politique une éthique et un véritable répertoire de gouvernement. Il semblerait que cela rebute même dans son camp, ça grince, mais ça restera discipliné. La preuve, ce sont surtout les fidèles d'entre les fidèles qui sont chargés de rayonner médiatiquement. La radicalisation du discours est à l'oeuvre. Draguer l'électorat par le racisme, la bêtise, la xénophobie...Plus populiste tu meurs.

Qu'espère Sarkozy ? Créer un climat anxiogène, propice au vote épidermique, à la réaction primaire et reptilienne du mammifère en péril. Le syndrome de la tanière si exacerbé dans ces zones reléguées et isolées où le FN fleurit et prospère.
Comment s'y prend-il ? En dégoisant à tout va. En sortant énormités sur énormités. Plus c'est gros plus ça passe disait Chirac. Les peuples n'auraient aucune mémoire, l'important c'est l'image de l'acte.

Et face à cela, à l'heure qu'il est, les socialistes restent comme des ronds de flans. Emboitent le pas, rentrent dans les débats. Le vote des émigrés, le vrai et le faux travail. Mais bordel, n'ont-ils pas des arguments ? des idées fortes ? des bilans à pointer du doigt ? des rappels ? Ils ont donc perdu tout jusqu'à cela ? Quelle misère.

Ils devraient matraquer mais se contentent de subir, ils devraient sortir l'artillerie lourde, même quelque mesure symbolique...mais semblent tétanisés. Il reste encore 10 jours et il y a encore de la marge, ils attendent peut être leur heure, et puis semble-t-il l'immense majorité des électeurs a arrêté son choix. Mais quand même. On sent poindre le syndrome de la machine à perdre.

J'espère me tromper.

Il ne faudrait de toute façon pas se tromper non plus complètement d'enjeu. Racoler l'électorat FN semble être un objectif partagé par les deux candidats. La base de cette démarche est le raisonnement politique simpliste, pas complètement faux certes, suivant: ce sont les dominés, les déboussolés, les perdus et les relégués qui ont voté FN, il faut les comprendre et les engager à voter pour...
Sans doute faut-il prêter un regard attentif aux causes de ces maux, et sans doute aussi que les élites ne sont pas prêtes à le faire tant cela impliquerait de transformations politiques, sociales et économiques mais sans doute, plus simplement, ne faut-il pas oublier qu'il y a aussi "un peuple qui souffre" qui n'a pas voté pour autant pour le FN et que prétendre que le peuple souffrant ne peut qu'être amené au racisme, à la xénophobie et à la haine est un raccourci déterministe quelque peu odieux et méprisant.

Quoiqu'il en soit, tout de suite ou dans 5 ans, on est dans la merde.

Si vous aussi votre vie n'a plus aucun sens.
Si vous errez sans but dans ce monde abscons.
Si votre dernière érection remonte aux pages collées de Pierrette LePen dans playboy.
Si votre mari est devenu membre premium de cougar.be
Si vos enfants trouvent que Justin Bieber est quand même un peu trop violent dans ses paroles.
Si votre chien fantasme sur les bergers allemands.
Si votre chatte fantasme sur Justin Bieber.
Si votre grand-mère a couché avec les nazis.
Si votre grand-père a couché avec les nazis.
Si aujourd'hui est pire qu'hier mais mieux que demain.
Si voter Flamby est la chose la plus bandante que vous ayez faite depuis votre première branlette.
Si vous nourrissez quelques fantasmes ferroviaires.
Si vous regrettez le temps où les choses étaient simples entre le mur de Berlin et l'ORTF.
Si pour vous on ne peut pas dire que la guerre soit sans plus la contre-civilisation.
Si vous aussi vous trouvez nos propos sans intérêt et avez envie de le crier à la face du monde.
Si vous aussi vous votez mou mais bandez encore dur.
Si vous aussi vous pensez que le "Gand Soir", c'est la nuit où vous culbutez bobonne.
Si vous aussi vous pensez que le Mac Baguette est une Révolution.
Si vous aussi vous rêvez en secret de dividendes providentiels et de profits mirifiques en chantant l'Internationale dans les meetings de Mélenchon.

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lundi 16 avril 2012

S'ils n'ont pas de métro, qu'ils prennent le taxi


Déjà, en temps normal, il est dangereux de se livrer à des exercices de sociologie de comptoir à partir d'un vote et de deux trois sondages d'opinion, ce qui finit généralement par des titres d'articles insupportables du genre "Les français aiment le fromage et les hommes forts", "les jeunes ne jurent que par NRJ et Marine Le Pen" ou l'exécrable "pourquoi les pédés sont-ils passés à droite" de Didier Lestrade . L'exercice devient carrément suicidaire pour ce qui est d'une société en crise. Oubliez les images qui vous viennent des familles endettées jusqu'au cou qui se retrouvent à la rue ou des jeunes au chômage qui brûlent des commerces sur la place Syntagma. On ne comprend pas l'état d'esprit d'un pays par les médias ou les indicateurs socio-économiques. Car par exemple, que vaut un vote quand depuis novembre la droite a perdu 10 points dans les sondages, et les socialistes encore 7 (et tu creuses creuses creuses)? Il faut dire que y habiter ça n'aide pas forcément beaucoup plus, attrapé que l'on est par sa propre subjectivité et celle de son groupe social. Si je me fiais à mon entourage, des jeunes et moins jeunes urbains et déclassés, Rajoy et Zapatero pendraient depuis longtemps la tête en bas et émasculés sur la place publique.

Bref, je n'arrive toujours pas à comprendre, en lisant et en parlant à droite à gauche, si l'Espagne est dans un état de choc post-traumatique qui a annulé sa capacité de réaction et lui fait accepter tout ce qui tombe car il faut prendre son mal en patience et la vie n'est qu'une vallée de larmes. Ou alors il y a une colère juste qui gronde et qui s'organise et qui ne demande que l'étincelle qui va définitivement faire tout péter, car il y en a marre de cette caste d'incompétents et de gangsters qui nous gouvernent. Ou peut-être, tels les romains de la décadence qui même avec les wisigoths à leurs portes et la soie de Chine et le blé de Sicile qui n'arrivaient plus, continuaient à s'abrutir dans des orgies, sommes-nous devenus trop mous dans l'abondance et nous préférons nous perdre dans une fête sans fin car mec, no future ! Carpe Diem ! Profite de l'instant présent, demain tu seras à la rue, et de toute façon on a toujours été la cour de récréation et la salle de shoot de l'Europe, sait-on faire autre chose que boire, danser et se droguer? Ou, enfin, sommes-nous aux portes d'une nouvelle société plus solidaire et partageuse, par l'explosion forcée de l'économie sociale et solidaire ou, en d'autres mots, du "on va s'organiser entre potes pour tirer tout le profit qu'on peut des quatre euros qu'il nous reste" ?

Et si je n'arrive pas à comprendre, c'est probablement parce qu'en ce moment l'Espagne c'est tout ça. La crise économique est devenue crise émotionnelle. Le pays ressemble à quelqu’un souffrant d’une maniaco-dépression légère, qui parvient pour l’instant à garder un comportement social pas trop pathologique mais qui tombe régulièrement dans des phases d’euphorie et de tristesse sans fin. Ou à quelqu’un en pleine rupture amoureuse. Il se dit que tout va bien, il pète la forme, exit l’autre pute, ce soir on sort et on casse la baraque, mais il fond en larmes au supermarché en achetant des pizzas surgelées parce qu’il y a une chanson d’amour ultra cucul qui passe. Et c’est probablement cette instabilité émotionnelle et cette sensibilité épidermique qui favorise une grande rapidité dans l’enchaînement de moments politiques clés et qui ouvre la porte à tous les scénarios imaginables.

Prenons par exemple la dernière crise de larmes qu’on s’est payé ce week-end, dont personne n’a parlé en France mais qui pourrait devenir capitale dans l’histoire du pays.  En deux jours, le Roi a détruit son travail de 37 ans. Samedi, jour du 81e anniversaire de la proclamation de la IIe République, on s’est réveillé avec la nouvelle que le Roi rentrait d’urgence du Botswana pour se faire opérer suite à une chute pendant un safari auquel il participait pour chasser des éléphants. Safari secret (le Roi n’avait prévenu personne, même pas le ministère de l’intérieur) et au financement opaque (le Roi n’est pas tenu par loi de rendre compte de ses dépenses, contrairement aux autres couronnes européennes). Et ce qui aurait pu passer rapidement comme une énième indignation twitterfacebookesque avec partage viral d’une photo de Juan Carlos posant fièrement devant un éléphant abattu, est devenu en quelques heures une affaire d’état. Trop c’est trop. Il y a quelques mois encore, alors que la couronne affrontait la mise en examen du mari de l’infante, les partis politiques ont organisé une séance à l’Assemblée avec standing ovation pour lui apporter leur soutien et la plupart de quotidiens, de droite comme de gauche, ont rédigé des éditos pompeux pour défendre la garantie de stabilité qu’elle supposait. Rien de ça ce week end. Les quotidiens, de droite comme de gauche, ont été d’une virulence inédite dans un pays habitué à tout pardonner à la famille royale et les responsables politiques du plus haut rang, bien qu’apportant encore une fois leur soutien officiel, laissaient voir entre lignes des signes de malaise et même de mise en garde à la couronne.



Alors évidemment (et malheureusement) Juan Carlos ne sera pas guillotiné demain sur la Plaza Mayor. Mais il est significatif qu’une affaire qui serait passée comme une lettre à la poste il y a quatre ans produise aujourd’hui un tel remous.

Autre exemple de cette hyper-sensibilité. Je reviens de Lisbonne. Dans mon guide de 2010, le prix du trajet simple de métro était marqué à 1.35 euros. Surprise en arrivant : entre-temps il est passé à 1.75 euros, soit une augmentation de presque 40 %. Même son de cloche à Barcelone, ce noël le billet simple est monté jusqu’à 2 euros. Du coup, la plupart des groupes et associations de gauche radicale ont commencé une campagne, « cola’t », appelant à gruger dans le métro, ce qui peut sembler un peu paradoxale quand on est censés défendre les transports publics, mais vu le niveau de surréalisme ambiant…

Le sujet est assez sensible pour avoir poussé la compagnie de transports de Madrid à organiser une grande campagne d’image qui, bien fait pour eux, s’est très vite retournée contre eux puisqu’en quelques jours la plupart de leurs affiches ressemblaient à ça :



 Précisons au passage que le 1.50 de l’affiche n’est même plus d’actualité : ils ont voté en CA la semaine dernière l’augmentation générale des tarifs, avec le vote favorable du "défenseur du consommateur" (il y a des baffes qui se perdent). Nouvelle vague d’indignation, avec détournement de cette pub de Loewe qui avait déjà largement été critiquée et détournée par sa frivolité en temps de crise :



Dans l’histoire, un bon nombre de régimes sont tombés à cause de légères hausses dans le prix du pain, temps heureusement révolu en Europe. Mais les responsables politiques feraient bien de commencer à comprendre que l’écart entre avoir la tête tranchée ou non pourra un jour se jouer à ces 20 centimes de trop dans le prix du transport, et que quand Sofia s’exclamera depuis balcon de la Zarzuela, « s’ils n’ont pas de métro, qu’ils prennent le taxi », il sera trop tard !  

lundi 2 avril 2012

J’ai passé une semaine chez les nazis #2


Oui bon, je sais.
Depuis mon dernier teasing en ce lieu il y a quelques jours, nombre d’entre vous ne vivent plus qu’à moitié, égarés tels des zombies putréfiés errant sans but dans l’unique souhait de découvrir enfin la suite de mon récit ensorceleur étant seul à même d’assouvir cette satiété soudaine d’aventures exotiques, unique remède capable de vous extraire de cette condition misérable d’hommes inutiles ballotés par ce monde si peu abondant en plaisirs simples.
Nous y voilà donc, et je sens déjà l’émotion grandir en vous, inondant vos synapses d’un influx de bonheur si prodigieux qu’il serait presque indécent de décrire ici la charge émotionnelle gonflant les moindres recoins de vos membres endormis depuis si longtemps par les pamphlets somnifères immaculant ce blog telle l’acné sur le front de Justin Bieber.

Si ce blog était lu, s’il était un véritable lieu d’échange et de débat, s’il participait activement à la démocratie, si la démocratie avait un sens, alors je me serais empressé de donner à mon histoire un caractère participatif, vous invitant sur le champ à m’énoncer votre idée du Japon à travers les clichés ressentis et autres ni-poncifs (jeux de mot nippon toussa). Car, à mon sens, sûrement bien plus qu’ailleurs, cette île est terre de clichés, et ceux-là ont presque tous trouvés écho lors de mon séjour. Nous aurions pu alors échanger activement nos avis, générant ainsi une telle effervescence sous la catalyse de nos véhémence, que rapidement nos fluides 2.0 se seraient unis dans une symbiose telle que l’orgasme virtuel aurait foudroyé de son éclat ce triste monde qui nous inonde de sa laideur… 
Mais bon, on va pas se mentir (vu le degré d’intimité aujourd’hui atteint entre vous et moi) tous ceux lisant ces phrases sont soit  feignants soit de gros feignants, et donc aucun échange constructif ne saura émerger en ce lieu, chacun s’en tenant à ce qu’il sait faire de mieux avec lui même. Onanisme, j’écris ton nom ( ô nanisme !!! aussi).

Ne pouvant donc compter sur personne d’autre que moi-même, je vais donc œuvrer seul.

1er cliché nippon ni mauvais : Au Japon, on marche sur la tête :

Évidemment, c’est bêtement gravitaire, terriblement logique et fatalement abscons, le Japon est de l’autre côté du monde ce qui implique un certain nombre d’adaptations fondamentales, la première d’entre elles étant de s'accommoder de la pesanteur inversée et pour ce faire de marcher sur la tête.
Contre toute attente, on s’y fait très bien, la rotation s’opérant progressivement dans l’avion (à mi-voyage, on marche sur le côté donc) et les 11 heures de voyages seront parfaitement mises à profit par votre organisme qui saura dans le même temps digérer le vin, wisky et bailey mis à disposition gratuite par le service aérien (celui qui n’a pas été bourré dans un A380 à 11000m d’altitude au-dessus de la Sibérie a définitivement raté sa vie).
Dès la sortie de l’avion, donc, on s’accommode sans la moindre difficulté d’avoir la tête en bas et les pieds de l’autre côté de la tête (ça c’est comme chez nous).
N’ayez crainte donc, tout cela se passe le plus naturellement possible et aucune difficulté ou maux secondaires ne sauront se manifester. 
Pour autant, ne criez pas victoire trop vite une fois enfilé fièrement vos santiags
 à la base de votre front, cela implique tout de même par la suite de s’habituer à ce nouveau mode de vie dans nos usages quotidiens les plus banals.
Aussi les premiers bols de nouilles furent un peu compliqués (tout est dans l’aspiration), de même pour les premiers passages aux watères (mais vos errements initiaux seront largement corrigés par l’incroyable technicité de ces cabinets d’usages à cuvette chauffante et jet nettoyant à plusieurs vitesses et température réglable…). 
Voilà voilà…
Des questions ?