mardi 27 novembre 2012

Whatever will be, will be...


Les dés étaient jetés. Les derniers sondages coïncidaient. Les experts pontifiaient à la télé. Les enjeux des élections de ce Dimanche au parlement catalan étaient clairs : savoir si la droite nationaliste catalane d’Artur Mas aurait oui ou non la majorité absolue « exceptionnelle » qu’elle réclamait et savoir qui d’entre les socialistes, la gauche indépendantiste et le Parti populaire occuperait la deuxième place. Bandant quoi.  

Après un sondage particulièrement généreux avec le parti du Très Honorable Président Mas (sic), qui le donnait à 45 %, je jette l’éponge, je maudis l’humanité et j’appelle mes amis pour organiser une grosse teuf à la maison la veille des élections. Objectif avoué, avoir une telle gueule de bois le lendemain que tout nous paraîtrait distant et sans conséquence. Objectif atteint. Certes, je ne suis toujours pas allé voter en rentrant d’after. La dernière fois, il y a tout juste un an, un reste de sentiment de blasphème m’avait arrêté à la porte du bureau de vote, craignant qu’avec mon haleine alcoolisée je n’attire les foudres du Dieu Démocratie. Cette fois, je suis décédé sur mon lit une petite heure avant l’ouverture. Mais peu importe, la violence de la note que les voisins ont accroché à notre porte le lendemain atteste que ce fût un énorme succès. Et j’ai un vague souvenir d’un groupe de personnes tentant de récupérer, sans y parvenir vu leur état, un portable qui était resté coincé dans la cuvette des WC.  

Le lendemain, mon mal de crâne et le nettoyage de la maison occupent mon esprit presque entièrement, je ne fais donc que peu de cas des chiffres de la participation, qui annoncent une mobilisation record de 10 point supérieure à celle de 2010. Quelques rumeurs sur twitter commencent à parler de baffe électorale, mais je n’ai vraiment pas la tête à ça. Plus par inertie que par conviction, j’allume la télé vers 20 h 05, me sentant vaguement coupable de ne pas m’y intéresser davantage.

Et là je reste scotché.

Premier sondage à la sortie des bureaux, la droite nationaliste à 55 députés au lieu des 65 qu’ils attendaient, loin des 68 qui offre la majorité absolue. Premier tour de table, premières têtes hallucinées parmi les porte-paroles des différents partis.

Le scrutin commence, elle tombe à 47 députés. Les journalistes ont beau répéter qu’il s’agit de résultats très partiels, ça ne semble pas vouloir décoller au fur et à mesure que la nuit avance.

Onze heures du soir, Artur Mas sort au balcon de l’hôtel Majestic, avec le gouvernement sortant, leurs mines défaites, dans une image qui restera aussi célèbre ici que Jospin en 2002.

Bref, jamais dans les vingt dernières années les instituts de sondages ne s’étaient autant plantés. Artur Mas devait récolter entre 40 et 45 % des suffrages. Il en récoltera finalement 30 %, leur pire score depuis 1980. Alors évidement, j’exulte car l’erreur va dans mon sens. Mais le ratage absolu des démoscopies est une bonne nouvelle pour la démocratie, et laissera des traces durables. Les élections les plus polarisées de l’histoire de la Catalogne, avec des enjeux dépassant largement le gouvernement des 4 prochaines années, ont débouché paradoxalement sur le parlement le plus atomisé et le plus ingouvernable. L’avenir est incertain. Mais au moins, la parole du peuple n’est plus confisquée à l'avance par ces connards d’experts. 

lundi 26 novembre 2012

Feux et contre-feux

Tout le monde a noté que la gauche socialiste a déserté l'économique pour se recentrer sur les questions sociétales. Des gens découvrent que la droite adélaissé l'économique pour se lancer dans des débats... disons tout aussi sociétaux.

Il ne nous faudra pas une grande hardiesse intellectuelle pour y voir un lien. C'est toujours délicat de parler de causalité mais, ce qui est sûr, c'est que les socialistes ont été les premiers à infléchir leur discours pour lui faire chausser les pantoufles sociétales au moment même où il aurait dû chausser ses bottes cloutées pour botter le cul du capitalisme. Du coup on est tenté de dire: "comment voulez-vous que la droite puisse jouer son rôle?"

Comme je suis très chrétien, je ne mettrai pas la droitisation de la droite sur le compte des Socialistes, ils ont déjà beaucoup à se faire pardonner. Disons que droite et gauche ont tiré les conclusions qui s’imposaient et ont pris acte de l'autonomisation de l'économie. L'économie mise hors du champ politique que leur reste-t-il? La réponse est dans l'actualité et dans l'Histoire immédiate. Ils ont, en quelque sorte, substitué à la Lutte des Classes la Lutte des Communautés.

Pour refonder la gauche, et plus largement pour éviter la fuite en avant à laquelle nous assistons, il est urgent de reprendre la main sur l'économie et de la remettre au centre du politique. 


samedi 24 novembre 2012

Enkysté du bocage.

NDDL. Notre-Dame-des-Landes.

Retenez bien ce nom, il pourrait devenir symbolique. Comme le Larzac, ou l'usine Lip. Un truc du genre. Le scepticisme cynique de notre époque rira de cette assertion. Il me renverra à la figure un "on peut pas comparer" pétri d'un relativisme confiant et enfumé par les volutes de la mythification culturelle attribuant aux luttes du passé le caractère ambigu d'épopées d'un autre âge, celui où les choses étaient encore possibles.

Au départ un projet d'aéroport. Un truc vieux de près de trente ans. Un machin fondé sur des conceptions douteuses de l'aménagement, établi sur la base de spéculations économiques et de délires géographiques aussi abscons qu'incertains.
L'enjeu ? Faire de fric. Faire moderne. Faire du progrès. Et créer des emplois.
Et pour cela que compte quelques hectares de bocage, quelques vagues espèces de batraciens gigotant dans une mare ? Quelques agriculteurs ? Quelques écolos illuminés ?
Les "pouvoirs publics", les aménageurs, la chambre de commerce et de l'industrie, l'Etat, les constructeurs sont les bulldozers qui écrasent par la loi et le décret. Au nom de cette stupidité aménagiste qui consiste à cultiver les signes extérieurs de la modernité, de l'opulence et de la richesse comme autant d'amulettes incantatoires au Progrès et à la Croissance. Celle qui produit des emplois. Vous avez entendu hein ? des emplois. Bavez brave gens. Niquer le bocage crée de l'emploi. Des beaux boulots du tertiaire sous-payés : gardiens de parking, agents de sécurité, hôtesses en CDD de compagnies low-cost et autres lumpenprolétaires au service des actifs et des décideurs: ce genre de mec qui prend l'avion trois fois par semaines.

Qu'importe que de sérieux doutes soient émis sur l'intérêt de ce nouvel aéroport, ainsi que sur la validité juridique du projet, par des gens qui ont bossé dessus (je n'ai lu que des résumés et je les ai trouvé convaincant). Qu'importe que même un énarque et des hauts fonctionnaires émettent - avec force arguments - des réserves sérieuses sur l'utilité géographique et économique de cet engin.


Il en va de la volonté d'un homme, premier ministre qui ne cèdera pas. Qui ne doit pas céder. A moins peut être que son président ne décide de le lâcher comme une fiente dans quelques semaines. Un premier ministre, responsable de rien mais comptable de tout, qui préfère d'ailleurs céder au lobby patronal, aux injonctions des marchés financiers et même aux sirènes du catholicisme intégriste. Mais pas à ses électeurs, qu'il imagine sans doute captifs.

Je n'ai jamais été un militant écolo. Je ne sais même pas si je serais capable de réaliser ce que certains ont fait là-bas. Je trouve cela assez admirable. Et digne. Quelle que soit la radicalité ou la mauvaise foi ponctuelle de ces gens. Quelle que soit la Loi et la Procédure Démocratique soit disant respectées qu'on leur oppose.

La lutte à NDDL est une fenêtre dans le vide politique. Un de ces moments où le pouvoir doit montrer son vrai visage, celui du flic. L'éternel.

Le flic le voilà d'ailleurs. Manuel Valls, chef de flics, flic en chef. Qui déclara ce jour 25 novembre qu'il ne fallait pas laisser le "kyste" de la contestation se développer. Dégoût que cette formule a provoqué chez moi. Rage sourde. Envie de hurler. Le vocabulaire médical, celui de la pensée répressive et sécuritaire, héritière en droite ligne de la police coloniale par des canaux extrêmes-droitiers sous-terrains mais bien repérables. Des "kystes" à éliminer, bientôt des "cancers" à traiter. Voilà comment la pensée d'Etat nomme ceux qui s'opposent à elle. Comme elle l'a toujours fait par ailleurs. En criminalisant. En désignant comme pirate, groupes violents ou terroristes ceux qui sont un peu trop déterminés à ses yeux. Comment penser 5 minutes que cet arriviste malade est autre chose qu'un de ces grands traîtres de l'histoire, de ceux qui préparent la voie au pire, d'autant plus qu'ils pèsent consciencieusement le poids des mots qu'ils élaborent ? Comment se dire que le pouvoir a bien changé de mains après les dernières élections ?

Je veillais sur cette affaire, presque détaché, mais il a fallu l'intervention du ministre de l'Intérieur pour achever de me convaincre du caractère fondamental de ce qui se passe actuellement dans le bocage nantais. Pour radicaliser ma position. Au-delà de l'écologie c'est bien la question démocratique qu'il est encore une fois en jeu. Il y a une loi, souveraine par la grâce du fric et de l'expertise soit-disant neutre, et il y a une légitimité. Et toutes deux s'affrontent.

Et qu'on ne vienne pas me faire le coup des bobos écolos attachés à quatre pauvres tritons marbrés et à 3 haies et leur microcosme délicat face au peuple ouvrier sinistré et nécessiteux. En face c'est pas le peuple, en face c'est Vinci le bétonneur et tous les intérêts des dégoulineurs de ciment possibles.


NDDL est une porte ouverte de l'histoire. Un de ces trucs qui ne pourraient bientôt n'avoir qu'une issue : celle de la vieille carne corrompue au fond de la poubelles des promesses et des renoncements dont la liste déjà longue ne manquera pas de s'épaissir. Ou bien ces chantiers qui bâtissent des possibles ou ces marécages de la rancoeur où s'englue l'espoir.

vendredi 23 novembre 2012

Appelons un chat "un chat" et un arabe "un islamiste"

Avant on se méfiait des arabes, maintenant on hait les musulmans. C'est pas la même chose, dis-tu? Ah! T'es donc du genre à demander à celui qui "nique ta mère la pute" de se montrer plus nuancé et précis dans ses accusations...


Tu fais peut-être partie de ces scolastes qui combattent la haine par de vains codicilles. "Ce ne sont pas, à proprement parler, des arabes, voyez-vous. Ils sont issus d'un brassage multi-millénaire qui a pour berceau le bassin méditerranéen au sens large. D'ailleurs..." Mais ta gueule!


Ou de ces philosophes putatifs qui assènent leurs sentences, puisées dans les vapeurs éthyliques de rades aussi crades que le fond de leur slip et de leurs idées: "Nan mais Rachid, ne m'accuse pas de mettre tous les musulmans dans le même sac... Je sais très bien qu'il y a des musulmans athées, comme toi, qui n'hésitent pas à payer leur tournée et tout mais..."


Dire encore une fois que certains ne se définissent ni comme arabe ni comme musulman, à quoi ça sert? Parler "complexité" avec quelqu'un qui a envie que tu disparaisses est , a minima, un peu vain. Les jeux d'esprit n'ont pas sauvé Guido Orefice (La Vie est Belle de Benigni) de la détermination obtuse des officiers SS.

 
Ils t’appelaient "arabe" pour te rappeler que tu étais étranger; ils t'appellent "musulman" pour te rappeler que tu restes étrange. Peu importe si, entre temps, tu es devenu français, puisqu'on te dit que t'es pas comme nous. On s'en fout que tu sois intégré, que tu portes beau, que tu te défrises les tifs et te blanchisses la peau, tu n'es pas comme nous.


Prie pour redevenir l'arabe de service. L'arabe était une espèce menacée mais protégée, au nom de l'anti-racisme. Pour le musulman, c'est l'ouverture de la chasse. Décret officiel de toutes les préfectures.

Le racisme ramenait, de manière trop ostentatoire, aux "heures sombres de notre Histoire" et on avait des scrupules et des complexes à rouvrir les pages honteuses des manuels. Mais la lutte contre la calotte et la conquête de la laïcité montrent un visage de la France plus radieux et la parent de ses habits des Lumières. Taper sur l'arabe c'était sale, taper sur le musulman c'est plus chic; et tant pis s'il s'agit de la même personne.


Je me souviens encore des temps où la chasse était pratiquée par des beaufs bas du Front National. Aujourd'hui les chasseurs s'habillent aussi en Prada et leurs trophées côtoient leurs  Murakami. Aujourd'hui certains posent des collets à l'aide de leur écharpe rouge germanopratine.


Du point de vue de la proie, ça change quoi exactement d'être poursuivie par un ours, un renard ou un loup? L'essentiel c'est de fuir ou de montrer les crocs, de gonfler le pelage et de cracher très fort, tout en serrant les fesses et... en priant.