dimanche 23 décembre 2012

Des têtes au bout des piques

Ca vous intéresse vous les agitations pamphlétaires et indignées du milieu du show-bizz qui font suite à l'affaire Depardieu et à la diatribe de Torreton ?

Moi assez peu en fin de compte. Si le comportement de l'autre gros tas est déplorable et que j'ai trouvé le texte de Torreton plutôt bien senti (quoiqu'on pense de son auteur), ça s'arrête là. On a peut être d'autres chats à fouetter que de s'inquiéter des états d'âme du monde du spectacle.

Que ce petit milieu, qui n'existe que par la culture de l'entre-soi et de l'indécent spectacle que représente la starisation à outrance, livre le contenu de ses déchirements politiques n'est pas plus original que s'il s'agissait des marins pêcheurs. Il est juste plus médiatisé car on ne refuse pas une tribune ou une caméra à un Torreton ou une Deneuve. C'est tout. Et ça ne leur donne pas regard plus pertinent ou plus intelligent sur le monde. Peut être même au contraire. Regard sur leur monde en tout cas peut être davantage, encore que la spécificité de ce milieu ( et de ceux qui font profession de l'intellect et du culturel en général ) est de s'inventer des fractures et des ruptures irréconciliables, sans doute pour conjurer la culpabilité, le profond ennui et le profond dégoût que doit engendrer la pratique d'une sociabilité à ce point endogame, à ce point redondante. Futile dans sa prétention.

Guerre civile a-t-on dit. Oui, n'en faisons pas trop non plus. On mettra sur le compte de leur sens de la dramaturgie l'emploi des mots qui font peur. On ne saurait toutefois les dispenser d'un examen critique sur leur propre position et sur leur responsabilité. Après tout, au même titre que les journalistes et les universitaires, les acteurs, comédiens et chanteurs se retrouvent dans la position des leaders d'opinion et qu'à ce titre leur verbalisation est sujette à toutes les interprétations et récupérations possibles.
En tout cas la puérilité des remarques de quelques uns qui ont du mal à comprendre qu'on puisse reconnaître le talent d'un acteur sans pour autant cautionner ou applaudir les actes et pratiques de l'individu en dit assez long sur le manque total de recul de cette élite artistique qui, à l'instar de l'élite journalistique, politique ou économique, semble vivre dans une bulle, engoncée dans le complexe de sa centralité et de sa supériorité sociale.
En tout cas il est des sujets où ce petit monde se fait bien plus neutre, bien plus discret. Il y a des choses qui l'émeuvent davantage. Les yeux de chiens battus et le ton éploré d'un millionnaire obèse fuyant le fisc en s'installant en Belgique par exemple.

Qu'une Catherine Deneuve puisse énoncer des âneries est finalement compréhensible. Mais pas excusable. Quelqu'un qui a bâti une carrière sur des rôles de gourde, de femme au foyer, de femme fatale ou de grande bourgeoise n'a peut être pas eu le temps de lire des livres et de développer une intelligence critique plus aiguisée. "De quel droit, de quel souci démocratique semblez-vous animer votre vindicte salissante ?" "Qu’auriez vous fait en 1789, mon corps en tremble encore !"Démocratique, 1789" Que viennent faire ces mots et cette date formulées avec le ton qu'on emploie pour les grossièretés ? Je n'ai que trop peur de comprendre ce que l'on cherche à condamner, on croirait entendre Marie-Antoinette et ses histoires de brioche. Il n'y a qu'à voir l'allure de duchesse britannique dans laquelle se présente Deneuve pour comprendre quels intérêts elle défend. Mais la stupidité et l'inculture qu'aucun argent, aucun talent ni aucun prestige ne compensent, me semble des explications bien plus rationnelles. Notons qu'il est un temps ancien où acteur et actrice étaient synonymes de voyou et de pute. Il n'y a pas à le regretter, sinon que leur place acquise dans la hiérarchie sociale a peut être un peu réduit la pertinence de leur parole publique. On aimerait rappeler quelques faits à ces personnes qui vivent sous la perfusion de subventions publiques. Les miracles (fiscalement explicables) d'une politique culturelle et artistique rendent aussi grandement service à ceux qui font profession de divertir.

En revanche j'ai été davantage interpellé par l'intervention de Laurence Parisot, présidente du Medef, dans ce débat. Reprenant les termes de Deneuve elle a fustigé " un climat de guerre civile, qui s’apparente à 1789. »
On conseillera à la patronne des patrons d'ouvrir un livre d'histoire à l'occasion et de se mettre un peu au point sur l'histoire de la Révolution française.
Jusqu'à présent, à ce sujet, la droite libérale tenait à peu près le discours suivant: la révolution française a été une bonne chose...jusqu'en 1793 quand tout s'est mis à déraper par la radicalisation. En résumé, 1789 c'était bien mais 1793 c'était beaucoup trop.
Voilà qu'une nouvelle frontière est ici symboliquement franchi, qui donne raison aux quelques voix qui dès les années 90 dénonçaient les pierres de la réaction dnas le mur du révisionnisme historique de la Révolution. On commence à remettre en cause 93 c'est pour mieux s'attaquer aux fondements de 89.
Guerre civile ? Quelle guerre civile ? Il n'y a de "climat de guerre civile" qu'à partir du moment où l'Assemblée Nationale vote la nationalisation des biens du clergé et oblige les membres de celui ci à jurer fidélité à la Constitution. 1790 au mieux. Et encore. Pas avant que la guerre n'intervienne là dedans. 1789 n'est pas une partie de plaisir mais est ce moment curieux d'union de différentes forces qui renversent la monarchie absolue. L'abolition des privilèges est même votée par les députés nobles la nuit du 4 août.
Alors quoi ? Faut-il faire le procès de l'ignorance à Parisot ? Peut être. Mais il n'empêche pas l'opportunisme et tout ceci en dit très long sur le regard que ce monde là porte sur cet épisode fondateur qu'il voudrait finalement bien liquider des mémoires et du système de référence de la société française.
Parce qu'à parler de droits de l'homme et du citoyen et des privilèges on en viendrait vite à désigner les nouveaux privilégiés de notre temps, cette aristocratie, variable dans ses formes, mais qui n'a jamais réellement disparue et qui s'arc-boute et se rigidifie sur ses bases, qui pressure le peuple comme celle de l'Ancien Régime.

Les "éléments de langage" trahissent les volontés et les pensées coupables de ceux qui les prononcent. Que les privilégiés défendent leurs intérêts, cela n'est pas la question. Qu'ils commencent à le faire en dénonçant explicitement les pulsions démocratiques du bas peuple et en condamnant les velléitaires au nom d'une damnation historique rédhibitoire c'est en revanche un élément assez nouveau.

Mais au fond, ils ont sans doute raison. Leur haine n'est que de la trouille. Contrairement à ce qu'on a voulu nous faire croire 1789 ne s'est pas achevé, apaisé dans la symphonie joyeuse du bicentenaire.
1789 et ses suites sont toujours là car c'est toujours la même histoire que l'on rejoue. C'est d'autant plus clair ces derniers temps. La longue patience du peuple n'est pas l'apathie des décérébrés absorbés par le spectacle de ces Illustres. Ils le savent et ont peur pour leurs têtes.


mercredi 5 décembre 2012

Social-traitrise

Comment dire ?


Comment dire qu'ils ne nous désespèrent plus tellement on s'attendait même pas à ce qu'ils changent quoi que ce soit.

Depuis 6 mois à peine, il ne se passe pas une semaine sans qu'un renoncement, une ignominie, une lâcheté, une connerie supplémentaire nous enfouisse un peu plus à chaque fois la tête dans le sable dont sera fait le ciment du désastre à venir.


On fait encore mine de s'étonner. Mais y croyait-on encore ? Même pas. Cette "gauche" là ne l'est plus. Ou alors ne l'est plus comme on l'entendait jadis classiquement. Cette "gauche" là est le fruit d'une convergence d'intérêts ponctuelle et d'un gigantesque malentendu qui dure depuis au moins 20 ans.
Mais nous leurs ferons grâce de l'ensemble et nous contenterons de regarder l'oeuvre "socialiste" des derniers mois:

Se coucher devant un financier sans scrupules qui a bâti sa fortune en rachetant puis en revendant des industries dans le monde entier ? Combien de vies Mittal a démoli dans le monde entier ? Qui tient les comptes ?
Se coucher devant le Medef en revenant à toute vitesse sur une mesure fiscale touchant des spéculateurs financiers.
Se coucher devant le conservatisme et le patronat allemand qui voit l'Europe comme un IVe Reich économique en puissance.
Se coucher devant les exigences du patronat et de la logique libérale en acceptant la quasi totalité d'un rapport Gallois issu de la plus pure pensée patronale.
Se coucher devant la trouille d'une opinion qu'on imagine trop xénophobe et renoncer au droit de vote des étrangers.
Se torcher avec ses promesses et ses engagements sur la TVA quelques semaines seulement après avoir dénoncé les pratiques de la droite en la matière.
Se commettre dans les absurdités juridiques en introduisant d'illégales notions de conscience dans le droit au sujet du mariage homosexuel.
Se mettre dans la peau du flic en poursuivant les expulsions de Roms et de sans papiers.
Mépriser son électorat en réprimant avec violence les opposants à l'un des projets d'aménagement le plus controversé de ces dernières années.

J'en oublie sans doute. 7 mois de pouvoir. A peine.


De toute façon, partout en Europe c'est la prétendue gauche qui a toujours mieux fait le boulot du capitalisme. Relayée par des syndicats suivistes, intellectuellement corrompus et par des médias à la botte, empêtrés dans les accointances et les proximités sociales caractérisant une oligarchie en voie de sédimentation.
Cette gauche là n'est plus de gauche depuis des années. Elle ne l'est, timidement, que par opportunisme électoral. Mais l'origine intellectuelle de ces gens là, c'est l'éthique du renoncement et le social-libéralisme de Delors et de Rocard, depuis les origines. La traîtrise comme axe de travail.

Ayrault et Hollande, deux gueules de péteux enfermés dans leurs certitudes. Deux minables, deux "fins-de-régime", deux capitaines de Costa Concordia. Des gros nazes.

Moi je suis comme Ataru. J'en ai plein le cul. Marre d'expliquer, de débattre. L'analyse est faite. C'est des tirs d'artillerie qu'il faut leur envoyer dans la gueule. Putain, Staline, où sont tes chars ?où sont tes orgues ?

Sourde colère et sentiment d'impuissance se mêlent. Il n'y a que le fait qu'on s'y attendait qui soulage un peu. Rien à attendre, rien à espérer. Juste à vomir leur usurpation permanente : socialiste est devenu le synonyme de trous du cul. C'est d'une tristesse quand on pense à Jaurès, à Blum...Dire qu'ils appartenaient au même parti.

Mais bordel, on en vient à leur souhaiter le pire, que ce soit eux qui se prennent le retour du bâton dans la gueule. Et tant pis pour les conséquences. Ils ne défendent plus rien, ont renoncé à tout et le font toute honte bue. Cynisme affiché. Raison d'Etat et assurance que procurent le pouvoir et les certitudes des bourrins à oeillères. Il n'y a aucune intelligence là-dedans, aucun sens historique, aucun courage politique, aucune innovation intellectuelle, simplement la réactualisation d'un libéralisme qui a échoué partout où il a sévi mais n'en serait pas délégitimé pour autant. Il n'y a que le gouvernement de la trouille. L'empire d'un consensus introuvable et de l'imitation servile du modèle allemand qui nous massacre méthodiquement. La haine de la démocratie. La haine du peuple. La certitude que les miroirs de la cour des princes renvoient à ceux qui n'ont plus l'habitude d'être contredit ou déstabilisés. Ils seront les premiers à bord des canots de sauvetage quand le paquebot coulera. Et viendront pleurer leur pauvre sort ou l'incompréhension de leur naufrage. Tout était pourtant si simple.
 

mardi 4 décembre 2012

LA CATALOGNE EXPLIQUÉE AUX FRANÇAIS

L’exercice que je vais vous demander de faire est, je le crains, difficile pour des français. Des français qui, de plus, êtes pour beaucoup des profs de l’indivisible Education Nationale. Des français qui êtes le fruit d’une autre histoire, d’autres guerres et d’autres révolutions, qui vous mènent à bouffer du foie de canard malade. Mais moi,  courageux bouffeur de chorizo, je vais m’aventurer à défier les piliers de votre psyché collective.


Premier exercice, tentez d’imaginer que le catalan obligatoire pour tous à l’école, que l’enseignement prioritairement en catalan, est ce que vous appelez une mesure d’égalité républicaine. Partons d’une donnée sociolingüistique simple. En Catalogne, les riches parlent catalan, les pauvres espagnol. Quelqu’un qui n’aurait pas appris le catalan à l’école, serait condamné à vie à porter tatoué sur le front, à chaque entretien d’embauche, « Je suis un banlieusard plouc sans culture ». On connait déjà l’éventail de stratégies de domination culturelle développées par la bourgeoisie pour freiner l’ascenseur social. Ne rajoutons pas la langue, s’il vous plaît. Je ne compte pas le nombre de personnes de mon entourage, fils d’immigrants andalous, qui, comme vous, Mohamed, Jérôme, Damien, Azzedine, sont devenus profs ou ingénieurs et sont  sortis de la banlieue barcelonaise parce qu’on leur a donné les armes à l’école. Et parmi ces armes, la première c’est le catalan. Voulant en savoir plus, je leur ai demandé si, comme le raconte à longueur de journée la presse à Madrid, à grand renfort d’experts et de pédopsychologues, ils étaient traumatisés à vie qu’on les oblige à parler une langue qui n’était pas celle de leur parents. Je vous laisse deviner la réponse.


Deuxième exercice, tentez d’imaginer aussi que le catalan obligatoire pour tous à l’école, que l’enseignement prioritairement en catalan, n’est pas un facteur de crispation et de division, mais au contraire, la seule garantie de paix sociale. Parce qu’en se regardant dans plusieurs miroirs, on a décidé ne pas devenir comme le Pays Basque, l’Irlande du Nord, la Belgique ou le Quebec, pays qui pratiquent cette putain de liberté de choix à l’école. Le débat a été tranché en 1978. On ne veut pas deux communautés. On ne veut pas de catalanophones et d’hispanophones, allant dans des écoles communautaires, vivant dans des quartiers communautaires, mangeant de la bouffe communautaire et baisant dans des bordels communautaires. Donc catalan pour tous. Basta.


Or ce modèle éducatif qui nous a apporté paix et prospérité pendant trente ans, et qui fait l’objet d’un large consensus en Catalogne, est régulièrement la cible de tentatives de déstabilisation de la part de Madrid. A l’origine, un manifeste de l’Académie Espagnole expliquant que le castillan était en danger. Venant de la deuxième langue la plus parlée au monde, ça frôle l’insulte. Ensuite, une campagne de presse quasi quotidienne, « le drame de l’immersion linguistique en Catalogne » (sic), avec moultes récits d’enfants traumatisés. Dernier acte, la loi de réforme de l’éducation, la bombe lâchée hier par le ministre Wert.


Cette loi, c’est la réponse de Madrid aux deux millions de personnes défilant le 11 septembre dernier dans les rues de Barcelone pour l’indépendance.  C’est leur réponse aux élections de dimanche dernier. Pendant que le reste de la planète s’inquiétait, la presse à Madrid, dans un exercice de dénégation proche du délire névrotique, n’a su voir (ou n’a voulu voir) dans les résultats que le camouflet infligé au Président Mas, qui d’après eux, sonne le glas du projet de référendum d’indépendance. Peu importe que dans l’ensemble, les forces séparatistes progressent. Peu importe que des force plutôt neutres auparavant, comme les socialistes ou les verts, basculent petit à petit dans le camp du Oui à l’indépendance.  Ils ne comprendront jamais.


La réponse du ministre Wert, le coup de baguette magique qui résoudra la question catalane, c’est dynamiter le système éducatif catalan. C’est rendre le catalan optionnel à l’école, avec un statut inférieur à l’anglais et à la LV2. C’est obliger les communes qui ne peuvent pas assurer un enseignement en castillan aux enfants, à leur payer l’école privée.


Ce n’est même plus une provocation, c’est une déclaration de guerre. J’en ai marre d’être pédagogue. J’en ai marre de leur expliquer, gentiment, que non, on ne parle pas catalan juste pour les faire chier. Non, on ne demande pas des infrastructures dignes de la sixième ville européenne juste pour les faire chier (un aéroport international et faire arriver avant le TGV à Barcelone qu’à Calahorra de arriba serait une bonne idée). Non, notre seul but quand on se lève le matin ce n’est pas de faire chier. Je suis fatigué de m’auto-convaincre qu’une autre Espagne est possible, fédérale, solidaire, et fière de sa diversité culturelle. L’heure de la pédagogie est finie. Il y a des lignes rouges qu’on ne croise pas. Chaque fois qu’un politicien à Madrid ouvre la bouche, dix indépendantistes catalans naissent. Et aujourd’hui c’est moi qui, pour la première fois, crie ce mot : INDÉPENDANCE.  

mardi 27 novembre 2012

Whatever will be, will be...


Les dés étaient jetés. Les derniers sondages coïncidaient. Les experts pontifiaient à la télé. Les enjeux des élections de ce Dimanche au parlement catalan étaient clairs : savoir si la droite nationaliste catalane d’Artur Mas aurait oui ou non la majorité absolue « exceptionnelle » qu’elle réclamait et savoir qui d’entre les socialistes, la gauche indépendantiste et le Parti populaire occuperait la deuxième place. Bandant quoi.  

Après un sondage particulièrement généreux avec le parti du Très Honorable Président Mas (sic), qui le donnait à 45 %, je jette l’éponge, je maudis l’humanité et j’appelle mes amis pour organiser une grosse teuf à la maison la veille des élections. Objectif avoué, avoir une telle gueule de bois le lendemain que tout nous paraîtrait distant et sans conséquence. Objectif atteint. Certes, je ne suis toujours pas allé voter en rentrant d’after. La dernière fois, il y a tout juste un an, un reste de sentiment de blasphème m’avait arrêté à la porte du bureau de vote, craignant qu’avec mon haleine alcoolisée je n’attire les foudres du Dieu Démocratie. Cette fois, je suis décédé sur mon lit une petite heure avant l’ouverture. Mais peu importe, la violence de la note que les voisins ont accroché à notre porte le lendemain atteste que ce fût un énorme succès. Et j’ai un vague souvenir d’un groupe de personnes tentant de récupérer, sans y parvenir vu leur état, un portable qui était resté coincé dans la cuvette des WC.  

Le lendemain, mon mal de crâne et le nettoyage de la maison occupent mon esprit presque entièrement, je ne fais donc que peu de cas des chiffres de la participation, qui annoncent une mobilisation record de 10 point supérieure à celle de 2010. Quelques rumeurs sur twitter commencent à parler de baffe électorale, mais je n’ai vraiment pas la tête à ça. Plus par inertie que par conviction, j’allume la télé vers 20 h 05, me sentant vaguement coupable de ne pas m’y intéresser davantage.

Et là je reste scotché.

Premier sondage à la sortie des bureaux, la droite nationaliste à 55 députés au lieu des 65 qu’ils attendaient, loin des 68 qui offre la majorité absolue. Premier tour de table, premières têtes hallucinées parmi les porte-paroles des différents partis.

Le scrutin commence, elle tombe à 47 députés. Les journalistes ont beau répéter qu’il s’agit de résultats très partiels, ça ne semble pas vouloir décoller au fur et à mesure que la nuit avance.

Onze heures du soir, Artur Mas sort au balcon de l’hôtel Majestic, avec le gouvernement sortant, leurs mines défaites, dans une image qui restera aussi célèbre ici que Jospin en 2002.

Bref, jamais dans les vingt dernières années les instituts de sondages ne s’étaient autant plantés. Artur Mas devait récolter entre 40 et 45 % des suffrages. Il en récoltera finalement 30 %, leur pire score depuis 1980. Alors évidement, j’exulte car l’erreur va dans mon sens. Mais le ratage absolu des démoscopies est une bonne nouvelle pour la démocratie, et laissera des traces durables. Les élections les plus polarisées de l’histoire de la Catalogne, avec des enjeux dépassant largement le gouvernement des 4 prochaines années, ont débouché paradoxalement sur le parlement le plus atomisé et le plus ingouvernable. L’avenir est incertain. Mais au moins, la parole du peuple n’est plus confisquée à l'avance par ces connards d’experts. 

lundi 26 novembre 2012

Feux et contre-feux

Tout le monde a noté que la gauche socialiste a déserté l'économique pour se recentrer sur les questions sociétales. Des gens découvrent que la droite adélaissé l'économique pour se lancer dans des débats... disons tout aussi sociétaux.

Il ne nous faudra pas une grande hardiesse intellectuelle pour y voir un lien. C'est toujours délicat de parler de causalité mais, ce qui est sûr, c'est que les socialistes ont été les premiers à infléchir leur discours pour lui faire chausser les pantoufles sociétales au moment même où il aurait dû chausser ses bottes cloutées pour botter le cul du capitalisme. Du coup on est tenté de dire: "comment voulez-vous que la droite puisse jouer son rôle?"

Comme je suis très chrétien, je ne mettrai pas la droitisation de la droite sur le compte des Socialistes, ils ont déjà beaucoup à se faire pardonner. Disons que droite et gauche ont tiré les conclusions qui s’imposaient et ont pris acte de l'autonomisation de l'économie. L'économie mise hors du champ politique que leur reste-t-il? La réponse est dans l'actualité et dans l'Histoire immédiate. Ils ont, en quelque sorte, substitué à la Lutte des Classes la Lutte des Communautés.

Pour refonder la gauche, et plus largement pour éviter la fuite en avant à laquelle nous assistons, il est urgent de reprendre la main sur l'économie et de la remettre au centre du politique. 


samedi 24 novembre 2012

Enkysté du bocage.

NDDL. Notre-Dame-des-Landes.

Retenez bien ce nom, il pourrait devenir symbolique. Comme le Larzac, ou l'usine Lip. Un truc du genre. Le scepticisme cynique de notre époque rira de cette assertion. Il me renverra à la figure un "on peut pas comparer" pétri d'un relativisme confiant et enfumé par les volutes de la mythification culturelle attribuant aux luttes du passé le caractère ambigu d'épopées d'un autre âge, celui où les choses étaient encore possibles.

Au départ un projet d'aéroport. Un truc vieux de près de trente ans. Un machin fondé sur des conceptions douteuses de l'aménagement, établi sur la base de spéculations économiques et de délires géographiques aussi abscons qu'incertains.
L'enjeu ? Faire de fric. Faire moderne. Faire du progrès. Et créer des emplois.
Et pour cela que compte quelques hectares de bocage, quelques vagues espèces de batraciens gigotant dans une mare ? Quelques agriculteurs ? Quelques écolos illuminés ?
Les "pouvoirs publics", les aménageurs, la chambre de commerce et de l'industrie, l'Etat, les constructeurs sont les bulldozers qui écrasent par la loi et le décret. Au nom de cette stupidité aménagiste qui consiste à cultiver les signes extérieurs de la modernité, de l'opulence et de la richesse comme autant d'amulettes incantatoires au Progrès et à la Croissance. Celle qui produit des emplois. Vous avez entendu hein ? des emplois. Bavez brave gens. Niquer le bocage crée de l'emploi. Des beaux boulots du tertiaire sous-payés : gardiens de parking, agents de sécurité, hôtesses en CDD de compagnies low-cost et autres lumpenprolétaires au service des actifs et des décideurs: ce genre de mec qui prend l'avion trois fois par semaines.

Qu'importe que de sérieux doutes soient émis sur l'intérêt de ce nouvel aéroport, ainsi que sur la validité juridique du projet, par des gens qui ont bossé dessus (je n'ai lu que des résumés et je les ai trouvé convaincant). Qu'importe que même un énarque et des hauts fonctionnaires émettent - avec force arguments - des réserves sérieuses sur l'utilité géographique et économique de cet engin.


Il en va de la volonté d'un homme, premier ministre qui ne cèdera pas. Qui ne doit pas céder. A moins peut être que son président ne décide de le lâcher comme une fiente dans quelques semaines. Un premier ministre, responsable de rien mais comptable de tout, qui préfère d'ailleurs céder au lobby patronal, aux injonctions des marchés financiers et même aux sirènes du catholicisme intégriste. Mais pas à ses électeurs, qu'il imagine sans doute captifs.

Je n'ai jamais été un militant écolo. Je ne sais même pas si je serais capable de réaliser ce que certains ont fait là-bas. Je trouve cela assez admirable. Et digne. Quelle que soit la radicalité ou la mauvaise foi ponctuelle de ces gens. Quelle que soit la Loi et la Procédure Démocratique soit disant respectées qu'on leur oppose.

La lutte à NDDL est une fenêtre dans le vide politique. Un de ces moments où le pouvoir doit montrer son vrai visage, celui du flic. L'éternel.

Le flic le voilà d'ailleurs. Manuel Valls, chef de flics, flic en chef. Qui déclara ce jour 25 novembre qu'il ne fallait pas laisser le "kyste" de la contestation se développer. Dégoût que cette formule a provoqué chez moi. Rage sourde. Envie de hurler. Le vocabulaire médical, celui de la pensée répressive et sécuritaire, héritière en droite ligne de la police coloniale par des canaux extrêmes-droitiers sous-terrains mais bien repérables. Des "kystes" à éliminer, bientôt des "cancers" à traiter. Voilà comment la pensée d'Etat nomme ceux qui s'opposent à elle. Comme elle l'a toujours fait par ailleurs. En criminalisant. En désignant comme pirate, groupes violents ou terroristes ceux qui sont un peu trop déterminés à ses yeux. Comment penser 5 minutes que cet arriviste malade est autre chose qu'un de ces grands traîtres de l'histoire, de ceux qui préparent la voie au pire, d'autant plus qu'ils pèsent consciencieusement le poids des mots qu'ils élaborent ? Comment se dire que le pouvoir a bien changé de mains après les dernières élections ?

Je veillais sur cette affaire, presque détaché, mais il a fallu l'intervention du ministre de l'Intérieur pour achever de me convaincre du caractère fondamental de ce qui se passe actuellement dans le bocage nantais. Pour radicaliser ma position. Au-delà de l'écologie c'est bien la question démocratique qu'il est encore une fois en jeu. Il y a une loi, souveraine par la grâce du fric et de l'expertise soit-disant neutre, et il y a une légitimité. Et toutes deux s'affrontent.

Et qu'on ne vienne pas me faire le coup des bobos écolos attachés à quatre pauvres tritons marbrés et à 3 haies et leur microcosme délicat face au peuple ouvrier sinistré et nécessiteux. En face c'est pas le peuple, en face c'est Vinci le bétonneur et tous les intérêts des dégoulineurs de ciment possibles.


NDDL est une porte ouverte de l'histoire. Un de ces trucs qui ne pourraient bientôt n'avoir qu'une issue : celle de la vieille carne corrompue au fond de la poubelles des promesses et des renoncements dont la liste déjà longue ne manquera pas de s'épaissir. Ou bien ces chantiers qui bâtissent des possibles ou ces marécages de la rancoeur où s'englue l'espoir.

vendredi 23 novembre 2012

Appelons un chat "un chat" et un arabe "un islamiste"

Avant on se méfiait des arabes, maintenant on hait les musulmans. C'est pas la même chose, dis-tu? Ah! T'es donc du genre à demander à celui qui "nique ta mère la pute" de se montrer plus nuancé et précis dans ses accusations...


Tu fais peut-être partie de ces scolastes qui combattent la haine par de vains codicilles. "Ce ne sont pas, à proprement parler, des arabes, voyez-vous. Ils sont issus d'un brassage multi-millénaire qui a pour berceau le bassin méditerranéen au sens large. D'ailleurs..." Mais ta gueule!


Ou de ces philosophes putatifs qui assènent leurs sentences, puisées dans les vapeurs éthyliques de rades aussi crades que le fond de leur slip et de leurs idées: "Nan mais Rachid, ne m'accuse pas de mettre tous les musulmans dans le même sac... Je sais très bien qu'il y a des musulmans athées, comme toi, qui n'hésitent pas à payer leur tournée et tout mais..."


Dire encore une fois que certains ne se définissent ni comme arabe ni comme musulman, à quoi ça sert? Parler "complexité" avec quelqu'un qui a envie que tu disparaisses est , a minima, un peu vain. Les jeux d'esprit n'ont pas sauvé Guido Orefice (La Vie est Belle de Benigni) de la détermination obtuse des officiers SS.

 
Ils t’appelaient "arabe" pour te rappeler que tu étais étranger; ils t'appellent "musulman" pour te rappeler que tu restes étrange. Peu importe si, entre temps, tu es devenu français, puisqu'on te dit que t'es pas comme nous. On s'en fout que tu sois intégré, que tu portes beau, que tu te défrises les tifs et te blanchisses la peau, tu n'es pas comme nous.


Prie pour redevenir l'arabe de service. L'arabe était une espèce menacée mais protégée, au nom de l'anti-racisme. Pour le musulman, c'est l'ouverture de la chasse. Décret officiel de toutes les préfectures.

Le racisme ramenait, de manière trop ostentatoire, aux "heures sombres de notre Histoire" et on avait des scrupules et des complexes à rouvrir les pages honteuses des manuels. Mais la lutte contre la calotte et la conquête de la laïcité montrent un visage de la France plus radieux et la parent de ses habits des Lumières. Taper sur l'arabe c'était sale, taper sur le musulman c'est plus chic; et tant pis s'il s'agit de la même personne.


Je me souviens encore des temps où la chasse était pratiquée par des beaufs bas du Front National. Aujourd'hui les chasseurs s'habillent aussi en Prada et leurs trophées côtoient leurs  Murakami. Aujourd'hui certains posent des collets à l'aide de leur écharpe rouge germanopratine.


Du point de vue de la proie, ça change quoi exactement d'être poursuivie par un ours, un renard ou un loup? L'essentiel c'est de fuir ou de montrer les crocs, de gonfler le pelage et de cracher très fort, tout en serrant les fesses et... en priant.