samedi 24 novembre 2012

Enkysté du bocage.

NDDL. Notre-Dame-des-Landes.

Retenez bien ce nom, il pourrait devenir symbolique. Comme le Larzac, ou l'usine Lip. Un truc du genre. Le scepticisme cynique de notre époque rira de cette assertion. Il me renverra à la figure un "on peut pas comparer" pétri d'un relativisme confiant et enfumé par les volutes de la mythification culturelle attribuant aux luttes du passé le caractère ambigu d'épopées d'un autre âge, celui où les choses étaient encore possibles.

Au départ un projet d'aéroport. Un truc vieux de près de trente ans. Un machin fondé sur des conceptions douteuses de l'aménagement, établi sur la base de spéculations économiques et de délires géographiques aussi abscons qu'incertains.
L'enjeu ? Faire de fric. Faire moderne. Faire du progrès. Et créer des emplois.
Et pour cela que compte quelques hectares de bocage, quelques vagues espèces de batraciens gigotant dans une mare ? Quelques agriculteurs ? Quelques écolos illuminés ?
Les "pouvoirs publics", les aménageurs, la chambre de commerce et de l'industrie, l'Etat, les constructeurs sont les bulldozers qui écrasent par la loi et le décret. Au nom de cette stupidité aménagiste qui consiste à cultiver les signes extérieurs de la modernité, de l'opulence et de la richesse comme autant d'amulettes incantatoires au Progrès et à la Croissance. Celle qui produit des emplois. Vous avez entendu hein ? des emplois. Bavez brave gens. Niquer le bocage crée de l'emploi. Des beaux boulots du tertiaire sous-payés : gardiens de parking, agents de sécurité, hôtesses en CDD de compagnies low-cost et autres lumpenprolétaires au service des actifs et des décideurs: ce genre de mec qui prend l'avion trois fois par semaines.

Qu'importe que de sérieux doutes soient émis sur l'intérêt de ce nouvel aéroport, ainsi que sur la validité juridique du projet, par des gens qui ont bossé dessus (je n'ai lu que des résumés et je les ai trouvé convaincant). Qu'importe que même un énarque et des hauts fonctionnaires émettent - avec force arguments - des réserves sérieuses sur l'utilité géographique et économique de cet engin.


Il en va de la volonté d'un homme, premier ministre qui ne cèdera pas. Qui ne doit pas céder. A moins peut être que son président ne décide de le lâcher comme une fiente dans quelques semaines. Un premier ministre, responsable de rien mais comptable de tout, qui préfère d'ailleurs céder au lobby patronal, aux injonctions des marchés financiers et même aux sirènes du catholicisme intégriste. Mais pas à ses électeurs, qu'il imagine sans doute captifs.

Je n'ai jamais été un militant écolo. Je ne sais même pas si je serais capable de réaliser ce que certains ont fait là-bas. Je trouve cela assez admirable. Et digne. Quelle que soit la radicalité ou la mauvaise foi ponctuelle de ces gens. Quelle que soit la Loi et la Procédure Démocratique soit disant respectées qu'on leur oppose.

La lutte à NDDL est une fenêtre dans le vide politique. Un de ces moments où le pouvoir doit montrer son vrai visage, celui du flic. L'éternel.

Le flic le voilà d'ailleurs. Manuel Valls, chef de flics, flic en chef. Qui déclara ce jour 25 novembre qu'il ne fallait pas laisser le "kyste" de la contestation se développer. Dégoût que cette formule a provoqué chez moi. Rage sourde. Envie de hurler. Le vocabulaire médical, celui de la pensée répressive et sécuritaire, héritière en droite ligne de la police coloniale par des canaux extrêmes-droitiers sous-terrains mais bien repérables. Des "kystes" à éliminer, bientôt des "cancers" à traiter. Voilà comment la pensée d'Etat nomme ceux qui s'opposent à elle. Comme elle l'a toujours fait par ailleurs. En criminalisant. En désignant comme pirate, groupes violents ou terroristes ceux qui sont un peu trop déterminés à ses yeux. Comment penser 5 minutes que cet arriviste malade est autre chose qu'un de ces grands traîtres de l'histoire, de ceux qui préparent la voie au pire, d'autant plus qu'ils pèsent consciencieusement le poids des mots qu'ils élaborent ? Comment se dire que le pouvoir a bien changé de mains après les dernières élections ?

Je veillais sur cette affaire, presque détaché, mais il a fallu l'intervention du ministre de l'Intérieur pour achever de me convaincre du caractère fondamental de ce qui se passe actuellement dans le bocage nantais. Pour radicaliser ma position. Au-delà de l'écologie c'est bien la question démocratique qu'il est encore une fois en jeu. Il y a une loi, souveraine par la grâce du fric et de l'expertise soit-disant neutre, et il y a une légitimité. Et toutes deux s'affrontent.

Et qu'on ne vienne pas me faire le coup des bobos écolos attachés à quatre pauvres tritons marbrés et à 3 haies et leur microcosme délicat face au peuple ouvrier sinistré et nécessiteux. En face c'est pas le peuple, en face c'est Vinci le bétonneur et tous les intérêts des dégoulineurs de ciment possibles.


NDDL est une porte ouverte de l'histoire. Un de ces trucs qui ne pourraient bientôt n'avoir qu'une issue : celle de la vieille carne corrompue au fond de la poubelles des promesses et des renoncements dont la liste déjà longue ne manquera pas de s'épaissir. Ou bien ces chantiers qui bâtissent des possibles ou ces marécages de la rancoeur où s'englue l'espoir.

11 commentaires:

Anonyme a dit…

Comment t'es vénère mec!

Axelle Raide a dit…

Je connais très peu le dossier NDDL, donc je vais m'abstenir de l'ouvrir.
Je vais par contre en profiter pour parler de Blagnac.
Il y a eu ici aussi des levées de bouclier à l'évocation d'un nouvel aéroport. Oui, le bilan environnemental, toussa... Certes.
On oublie de dire, de peur d'affoler les gens, que les crash aériens existent et que notre aéroport urbain est considéré comme très dangereux car extrêmement enclavé dans un tissu urbain très peuplé: habitations, écoles, hôpitaux... Le seul autre aéroport aussi "urbain" en France est Nice. Mais à Nice, les pilotes peuvent se dérouter au dessus de la mer.
Alors, personne ne veut dégrader la nature, en tous cas pas moi, et surtout, personne ne veut les nuisances près de chez soi. Mais il faut tout considérer : nous vivons à Toulouse sous une épée de Damoclès.
Apres il faut aussi considérer le développement ou non du trafic aérien à long terme, l'amelioration du transport ferroviaire (tmtc).

Axelle Raide a dit…

Et je reprecise bien que je ne parle que pour Blagnac, attention ! Je ne doute pas qu'il y ait d'autres enjeux là bas.

Le rageux a dit…

De toute façon l'aérien est un gros problème à plusieurs termes et plusieurs échelles.
Ce que dit l'énarque c'est que de toute façon Nantes ne sera jamais un hub type Roissy parce que les gens y sont de toute façon amenés à y passer. Après ça se discute de savoir si vaut mieux 4 gros "hubs" en Europe ou plein de petits plus pratiques.
Par ailleurs le transport aérien n'est pas non plus un modèle en expansion infini, ne serai-ce que parce que le kérosène c'est du pétrole et que le pétrole s'use.

Pour Toulouse le problème est-il celui de l'aéroport et du complexe industriel qui le jouxte ? ou le fait qu'on ait construit n'importe comment n'importe où autour ?

A-t-on besoin de métropole infini parce que ça fait développé et riche ?


Bref, l'argument je l'entends mais le train tmtc aussi oui.

Axelle Raide a dit…

Oui, je posais la question rapport au pétrole, mais ceci dit, il existe déjà un avion type planeur qui vole 12 ou 24h d'affilée (excusez mon imprécision) en énergie 100% solaire. Des engins militaires qui tournent déjà à moitié voire plus avec des énergies "vertes". Ne doutons pas que d'ici 40 ans + le temps d'exploiter les gisements récemment trouvés et durs à exploiter, tout volera très bien sans pétrole.
Pour Blagnac, il y a un peu des deux. Les PLU empêchent l'accroissement de population dans les zones de manœuvre déjà. Ça n'empêche, la croissance démographique de Toulouse est l'une des plus fortes d'Europe. On a beau densifier, ça ne suffit pas éternellement. Ce n'est qu'un frein, un retardateur et un limitateur à l'expansion. Par ailleurs, même si tu prends les quartiers historiques de la ville, ils sont à un cheveu de l'aéroport. Le risque est réel.

Axelle Raide a dit…

Sans compter qu'ici, on a en plus des vols d'avions de tourisme privés (en pleine agglo aussi) et les vols d'essai ! Je crois qu'en 2011, un avion s'est crashé sur le mur anti bruit de la rocade Colomiers-Blagnac.

Axelle Raide a dit…

Mais pour revenir à ton billet, c'est une vraie plaie que toutes ces agences d'experts censées protéger l'interet public. Une enorme farce.

Le rageux a dit…

Le pouvoir de l'expert c'est le début de la fin de la démocratie. C'est une des caractéristiques de l'après-guerre...
Pour Blagnac problème complexe s'il en est. De toute façon, c'est quand ça arrivera que ça fera bouger les choses, et encore.
La vraie question c'est aussi l'étalement métropolitain, mais ça c'est une dynamique mondiale. Pas simple.

Le rageux a dit…

Je veux dire, a-t-on besoin de concentrer tout le monde dans une seule ville ?

Axelle Raide a dit…

C'est la bonne question, qui plus est en Midi Pyrénées qui est la région la plus déséquilibrée de France entre sa capitale qui ne cesse d'attirer et de croitre, et tout le reste qui vivote.

Ataru a dit…

Exactement comme toi Manu. Je m'en foutais pas mal de cette histoire d'aéroport jusqu'à ce que VAlls lâche le mot magique. On sait très bien à quoi ça renvoie ....